dimanche

Eclipse

Il n’a rien dit quand il est entré dans la rame. Il portait un chat tigré dans les bras, mais personne n’a cillé. J’aurais dû comprendre. C'est seulement au bout de quelques stations qu'une voix s’est élevée au milieu de la foule : « J’ai trente-deux ans, j’ai pas de travail, j'ai faim. » C’était l’homme au chat tigré, une parole presque adressée à lui-même. D’habitude, les gars qui font la manche se manifestent sitôt entrés, même la misère et la détresse ont leurs conventions sociales. Mais là, c’était une parole nue. Un surgissement. Plus violent qu'un cri.

Pas un voyageur n’a moufté. Et moi, et bien moi, pauvre con, je suis resté rivé à mon siège, tétanisé. J’ai fouillé ma poche : pas un centime. Pas eu le geste de m’approcher de lui, de lui parler. Paralysé, j'étais. L’homme a serré son chat plus fort contre lui, il a réfugié sa joue dans son pelage, devant nos regards fermés de honte silencieuse. Je suis descendu du métro en grelottant, un goût de bile dans la bouche.
Aujourd’hui, j’ai croisé le visage nu de la solitude. Et je n’ai pas eu le courage de garder les yeux ouverts. Trop honte de me voir, impuissant. Lâche ordinaire. Aux yeux du monde. Aux yeux aveugles du monde. Aujourd'hui, comme disait Gainsbourg, j'aimerais que la terre s'arrête pour descendre.

2 commentaires:

  1. Ben alors, Amos... u bad trip ? La solitude, on la croise tous les matins, non ? Dans le miroir, dans nos lâchetés, partout.

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  2. tres émouvant ce message ... Ca me ramene à ma propre lacheté, matins et soirs, toujours les memes ...

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