dimanche

Dimanche poétique itou (3)

© Sabine Weiss, vers la lumière, 1953.

Oui, je sais, c'est encore un Boris.
Mais c'est l'un de mes préférés.


"Il a dévalé la colline
Ses pieds faisaient rouler des pierres

Là-haut entre les quatre murs

La sirène chantait sans joie


Il respirait l'odeur des arbres

Il respirait de tout son corps

La lumière l'accompagnait

Et lui faisait danser son ombre


Pourvu qu'ils me laissent le temps

Il sautait à travers les herbes

Il a cueilli deux feuilles jaunes

Gorgées de sève et de soleil


Les canons d'acier bleu crachaient

De courtes flammes de feu sec

Pourvu qu'ils me laissent le temps

Il est arrivé près de l'eau


Il y a plongé son visage

Il riait de joie il a bu

Pourvu qu'ils me laissent le temps

Il s'est relevé pour sauter


Pourvu qu'ils me laissent le temps

Une abeille de cuivre chaud

L'a foudroyé sur l'autre rive

Le sang et l'eau se sont mêlés


Il avait eu le temps de voir

Le temps de boire à ce ruisseau

Le temps de porter à sa bouche

Deux feuilles gorgées de soleil


Le temps de rire aux assassins

Le temps d'atteindre l'autre rive

Le temps de courir vers la femme

Il avait eu le temps de vivre."


Boris Vian,
Le temps de vivre, 1954


Un soir de juin 59, il est allé assister la première de l'adaptation cinématographique de son roman
J'irai cracher sur vos tombes.
Cette adaptation, il la reniait, il s'était battu contre, il ne voulait pas
de son nom au générique. D'ailleurs, il est mort avant le générique.
Mais heureusement pour nous, il avait eu le temps de vivre.

Les dimanches poétiques sont une initiative de Celsmoon, initiative partagée maintenant par :

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1 commentaire:

  1. Teès beau, merci, Amos. Celui-là, je ne le connaissais pas. Avoir le temps…

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